En 2014, alors que je donnais une conférence sur la plongée Spéléos, une femme est venue me voir à la fin de ma présentation et m’a dit : "Tu as tellement de chance de faire ce que tu fais, de toujours te dépasser et de réaliser de grandes choses." J’étais très flattée par ces mots, et en même temps, je me disais que n’importe qui peut se dépasser et faire des choses dont il est fier. Parfois, cela prend juste un petit coup de pouce. Quelques mois plus tard, j'ai lancé l’idée de faire le plus grand rassemblement au monde du plus grand nombre de plongeuses au même endroit en même temps.
Évidemment, j’avais envie de le faire près de chez moi pour amener avec moi toutes ces plongeuses que je croise. Vivant au Québec, nous sommes un peu loin des destinations de plongée, même si nous avons des plongées extraordinaires dans la rivière Saguenay, sur des épaves dans l’île d’Anticosti et même en Gaspésie avec les phoques. Mais pour réaliser ce projet, il me fallait un site facilement accessible et mettre en place toute une logistique pour mettre à l’eau des dizaines et des dizaines de plongeuses en quelques minutes.

C’est ainsi qu'est née, en 2015, la première édition de Femmes à la mer. J’avais envie, avec cet événement, non seulement de rassembler un grand nombre de plongeuses, mais aussi d’avoir l’aide de nos copains de plongée pour tout ce qui était la sécurité à la surface et, pour une fois, prendre soin des femmes qui plongent alors qu'eux restaient au sec. Après plusieurs mois de préparation, finalement, ce sont 120 plongeuses qui se sont réunies avec le support d’une vingtaine de copains à la surface.
Organisé dans une carrière, pas loin de Montréal, l’événement était très festif. Après tout, nous étions là pour un record du monde assez sympathique. En dépit d’une météo exécrable, quel bonheur de voir toutes ces femmes avec un large sourire et représentant toute la diversité. La logistique, somme toute assez complexe, a réuni des passionnés et mis en commun les différentes boutiques du Québec.

Imaginez, vous avez 120 plongeuses à la surface et vous commencez un décompte : 3, 2, 1... Et tout à coup, elles disparaissent toutes pour faire leur plongée à leur rythme. Je me souviens d’une femme qui n’avait jamais réussi à descendre directement dans le bleu. Dans notre cas, c’était plutôt dans le vert d’ailleurs. Mais ce jour-là, épaulée par toutes ses copines, elle réussit à faire quelque chose qu’elle redoutait depuis des années. La plongée se passa à merveille avec un simple joint d’étanchéité à remplacer.
Après la plongée simultanée, il était temps de féliciter tout le monde, plongeuses et bénévoles, et de les remercier d’avoir relevé le pari et d’avoir participé à une plongée d’un si grand groupe. C’était le moment pour un tirage au sort et la remise de prix, autant pour les plongeuses que pour les bénévoles. Les profits de l’événement ont été remis à un organisme qui vient en aide aux femmes.

Forte de cette première expérience, l’année suivante, je recommençais, et je choisissais une carrière opérée par une famille et une vieille dame depuis plus de 25 ans, direction la carrière Morisson. Cette fois, j’espérais bien battre notre propre record. Ce sont 150 femmes qui, en 2016, se sont mises à l’eau. Parmi elles, je me souviens d’une famille regroupant trois générations de plongeuses, un groupe un peu plus loin tout de rose vêtu avec des rubans plongeant pour leur amie atteinte d’un cancer qui ne pouvait pas se mettre à l’eau. Chacun des groupes avait sa propre couleur, sa propre raison de plonger, et surtout l’envie de partager ensemble cette passion qui nous fait tant de bien. Là encore, après la plongée, une remise de cadeaux et un méga barbecue pour tout le monde.
Je pensais bien en avoir terminé avec ce rassemblement, avoir fait ce que je pouvais faire, mais en 2024, je réalisais que nous arrivions au 10e anniversaire de la première édition. Puis je me suis souvenue de toutes ces femmes, souriantes, le cœur léger, fières de faire cette plongée, d’établir un record juste pour le plaisir et d’être là toutes ensemble, à être à l’honneur et non plus dans l’ombre.
Est-ce qu’en 2025 cela représente encore quelque chose de faire un événement de grande ampleur pour les femmes ? Bien que les dernières années m’aient davantage occupée à la préservation de l’environnement et à organiser des dizaines de nettoyages dans le fleuve Saint-Laurent, faire une troisième édition de Femmes à la mer me semblait être une bonne idée pour fêter l’anniversaire.
Comment le milieu de la plongée a-t-il pu changer en 10 ans ? Quel est le profil maintenant des plongeuses ? Une chose est certaine, après avoir lancé les inscriptions au début de l’année, je suis fascinée de voir le nombre de plongeuses recycleuses, le nombre d’instructrices, le niveau de qualification des plongeuses et de reconnaître leur nom, soit parce qu’elles ont plongé lors de l’événement il y a 10 ans, soit parce que je peux les croiser fréquemment sur un site de plongée où les conditions locales sont exigeantes. Alors cette année, alors que je prépare l’événement, j’en profite également avec la Fédération Québec Subaquatique pour faire une série d’entrevues de portraits de toute la diversité des plongeuses. Parmi nous, nous avons des biologistes sous-marins, des archéologues sous-marins, des responsables d’aquarium, des apnéistes, des sirènes, des plongeuses, des scaphandriers, des directrices de fédération, des médecins de plongée, des instructeurs de plongée pour handicapés et moi, cinéaste sous-marine professionnelle.

Si certaines plongeuses ont à peine 20 ans, d’autres en ont 65. La pratique de la plongée sous-marine est non seulement une activité sportive, une activité de préservation de l’environnement, une activité de découverte, mais elle est aussi une activité de bien-être.
Alors oui, Femmes à la mer en 2025 prend tout son sens. C’est l’occasion encore cette année de marquer l’autonomie des femmes, l’égalité, et l’excellence de leur technique de plongée. Tout comme Shearwater qui fête cette année ses 20 ans, nous avons su évoluer, nous adapter et toujours viser l’excellence. Cette année, pour la troisième édition, nous irons plonger dans une troisième carrière au Québec. Ce sera l’occasion sans doute de battre notre propre record, juste pour le plaisir, en toute humilité, et de profiter de la journée pour souligner l’importance de la richesse de notre communauté de plongeurs·euses. L’événement sera en grande partie compensé carbone grâce à nos partenaires et nous
pourrons cette année encore faire gagner des prix aussi bien pour les plongeuses que pour les personnes bénévoles. La plongée, peu importe comment on la pratique, peu importe l’équipement que nous préférons, peu importe l’agence de certification à laquelle nous nous identifions, c’est avant tout un sport qui se partage, dans lequel on apprend les uns des autres pour se dépasser, et pour pouvoir rapporter des histoires et des images et les partager à tous ceux qui n’ont pas notre chance.
Il reste encore plusieurs semaines, mais j’ai grand espoir que nous fassions de cette journée un franc succès du PADI Women Dive Day.
Merci Shearwater de faire partie de nos partenaires et de nous permettre de faire de cet événement un succès qui dépassera nos frontières.
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Written by Nathalie Lasselin

Nathalie Lasselin est une directrice de la photographie sous-marine primée à plusieurs reprises. En tant que plongeuse technique et instructrice, elle a filmé et exploré des épaves profondes, des grottes et des plans d’eau dans plus de 50 pays, dont l’Arctique. Nathalie cherche à mieux comprendre notre planète à travers la documentation et partage son intérêt pour nos ressources en eau douce à travers ses films et en tant que conférencière. Sa volonté est de rassembler les gens et de les responsabiliser grâce à de meilleures relations avec leur propre environnement et, en fin de compte, à une meilleure qualité de vie. Son dernier projet, Urban Water Odyssey, embrasse tous ses objectifs et sa philosophie. www.aquanath.com